LA TOLERANCE.
On dit souvent que la franc-maçonnerie se distingue du monde profane par son degré de tolérance. Elle est en franc-maçonnerie, un idéal, une vertu. Mais est-ce que la tolérance est un attribut qualitatif fédérateur en franc-maçonnerie ? Certainement pas, car ce qu’une obédience tolère l’autre la réprouve. Que ce soit pour la mixité, pour la liberté de conscience, pour la reconnaissance maçonnique, etc. Chaque maçon et chaque obédience a ses degrés de tolérance et ceux que celle-ci tolère l’autre la réprouve vivement. De plus ce que l’on tolérait hier on ne le tolère plus aujourd’hui ou bien, ce que l’on réprouve aujourd’hui on le mettra en avant demain. On voit bien que la tolérance n’est pas la panacée d’un concept uniforme universel.
La tolérance est-elle un attribut exclusif à la F.°. M.°. ? Certainement pas non plus, car tout le monde est tolérant, le monde entier n’est qu’un chaudron de tolérance et c’est bien son malheur. Un Italien tolèrera ce que certains trouverons d’inadmissible, mais il ne tolèrera en aucune façon que les pâtes soient trop cuite. Un aficionado sous couvert de tradition tolèrera que l’on mette à mort pour le plaisir un taureau dans l’arène, mais il ne tolèrera pas que l’on puisse tuer un phoque pour s’en nourrir. Une personne d’extrême droite sera intolérante vis à vis de l’étranger en France, mais elle tolèrera les Arabes en Arabie, les Papous en Papouasie et les Chinois en Chinoisie. Ce n’est que le degré de tolérance qui diffère des uns aux autres. Tout le monde est tolérant, tant que cela ne lui coûte pas grand chose et nous même n’y échappons pas.
On cache tous un ou plusieurs cadavres dans le placard. La tolérance est un concept élastique, une échelle graduée et chacun d’entres-nous se trouve sur une graduation différente. La tolérance n’est uniquement, qu’un point de vue à un moment donné et ce, un parmi tant d’autres. Si qualité de tolérance il y a, elle n’est pas propre au franc-maçon lui-même mais à son obédience qui le dirige. Un bon nombre de francs-maçons pensent se situer au dessus du monde profane, ils ont été dans leurs esprits, initiés. Mais ils ne se rendent pas compte que cette initiation n’a été que virtuelle. La différence qui sépare le profane du franc-maçon, n’est que de l’épaisseur d’un papier à cigarettes et bien souvent, le profane l’emporte. On dit de lui qu’il est un maçon sans tablier, car il en a d’avantage de qualités. Comment un profane pourrait-il être meilleur qu’un franc-maçon si réellement celui-ci était un initié ?
Le franc-maçon peut perdre son statut de franc-maçon en démissionnant mais certainement pas celui d’initié il ne l’a jamais été, a moins qu’il ne se soit initié lui même, mais dans tous les cas, le statut d’initié ne peut se perdre. Certains prônent même la tolérance mutuelle. Mais quelle vertu peut-il y avoir à ne tolérer uniquement que ceux qui nous tolèrent ? Comment le franc-maçon, peut-il construire l’unité ou la fraternité universelle, s’il reste et maintien la franc-maçonnerie au niveau de la sphère des contingences sociales ? Il n’y a que l’homme, qui puisse ériger la tolérance en principe, en idéal, car elle n’est qu’une règle de bon voisinage. L’initié, ou plutôt l’apprenti initié exècre la tolérance, car elle le ramène sans cesse au niveau de l’homme donc du profane. Il sait que l’initié ne peut qu’être que dans l’acceptation et non dans la tolérance, ce qui fait une énorme différence. L’initié accepte toutes les situations et tout le monde. Il ne cherche pas à les changer ou à les modifier, il les accepte tel qu’ils sont. C’est la qualité de son exemple qui peut éventuellement modifier les consciences, mais lui ne fera rien qui aille à l’encontre d’une décision individuelle, car il incombe à chacun d’avancer sur le chemin selon ses propres moyens. La formule « chacun pour soi et dieu pour tous » colle très bien à l’initié.
L’acceptation est amour, la tolérance hypocrisie. Je pense qu’il n’y a pas plus injurieux que de dire à un initié qu’il est tolérant. Mais ça c’est moi qui le dit, car je n’en suis pas un. Pour le réel initié ce que l’on peut dire ou ce que l’on peut penser de lui n’a aucune importance, cela lui passe au dessus du cigare comme on dit.
La tolérance dans certains ateliers n’est que laxisme et permissivité, on l’érige en vertu alors que ce ne sont que des non-dits et ne dit-on pas que les non-dits sont des trahisons. La tolérance n’est qu’une excuse qui permet de faire tolérer aux autres ses propres fautes et ses propres manquements en tolérant celles et ceux des autres, car réciprocité oblige. Ce qui a pour conséquence d’atteindre une soit disant maîtrise sans jamais la dépasser. Le réel initié est un miroir qui nous renvoie notre propre aspect. Il n’enjolive en rien notre reflet. Que nous soyons un adonis ou bien une face de rat, le miroir l’accepte. Il n’y a là aucune forme de tolérance ou d’intolérance, est-ce pour autant qu’on doit le briser ?
Certainement pas, le miroir a la sagesse de la justesse. Si notre tête dans celui-ci ne nous plait pas, dans le doute essuyons-le. Mais si notre face reste la même, ne nous leurrons pas, nous aurons beau lui demander « au mon beau miroir dit moi qui de ce royaume est le plus beau ? » il ne pourra que nous répondre, « Ma sœur, mon frère, un singe reste un singe même en habit de lumière, sinon, ce n’est plus un singe ». La franc-maçonnerie doit être dépassée si l’on veut devenir un initié. Tant qu’il y a tolérance, il y a dualité. Tant que nous n’aurons pas enjambé le pavé mosaïque, il y aura dualité. Tant qu’il y aura dualité, il n’y aura pas de maîtrise et encore moins d’initié. N’attendez de moi, aucune tolérance, mais en retour je n’en n’attends pas non plus, et si tolérance de ma part il y a, je m’en excuse par avance, car elle n’est que faiblesse. Moi aussi j’exècre la tolérance, car ce que je souhaite le plus aujourd’hui, ce serait de pouvoir dans le temps qui m’est imparti, mourir de mon vivant.
J’ai dit
François LINDO-DIEZ
Le 01 Octobre 6009.